ChatGPT déchaîne les passions. Si l’intelligence artificielle était déjà bien implantée, jamais auparavant le grand public n’avait eu accès à un outil aussi performant pour glaner des informations et générer des textes – à première vue – parfaits. Au sein des équipes de rédaction, cette innovation interroge aussi l’avenir du journalisme professionnel. Alerte spoiler : aucune crainte à avoir sur ce plan !
ChatGPT est un outil conversationnel (chatbot) conçu par la société américaine OpenAI pour répondre à toutes sortes de questions des utilisateurs grâce à un apprentissage à partir de données massives. Il génère des textes correctement formulés, qui donnent presque l’impression d’avoir été rédigés par des humains. Il accepte des requêtes très variées : de la liste d’idées ou d’arguments à la synthèse de longs documents en passant par la résolution de calculs complexes, la production d’un récit fictif… Rien ne semble lui échapper !
Ce nouveau jalon dans le développement fulgurant de l’IA risque-t-il de rendre les rédacteurs professionnels superflus ? Pour les formes élémentaires de copywriting, le danger est sans doute réel, mais ChatGPT est loin de posséder les compétences journalistiques nécessaires pour remplacer les journalistes professionnels. D’ailleurs, le logiciel en est lui-même bien conscient…
Lors de la phase de développement, l’algorithme de ChatGPT a été alimenté par des quantités massives de données provenant de sources les plus diverses. Le logiciel procède au traitement mathématique de toutes ces données et à la détection de constantes pour rassembler et structurer les informations demandées à la vitesse de l’éclair. Mais comme seules les données existantes sont prises en compte, sa tâche se limite en réalité à une simple recherche documentaire.
Par conséquent, ChatGPT ne dépasse pas le stade le plus élémentaire de la pratique journalistique. Les journalistes de chair et d’os vont bien plus loin que la simple agrégation d’informations et jouent un rôle majeur dans notre société. Par leurs investigations et leurs interviews, notamment, ils mettent au jour de nouvelles informations essentielles.
Étant donné que la version du logiciel accessible au public s’appuie uniquement sur les ensembles de données ayant servi à l’apprentissage automatique, l’outil ne procède à aucune actualisation. Cela dit, il ne serait pas surprenant que ChatGPT puisse bientôt se connecter à l’internet…
Si la collecte rapide de contenus est un excellent point de départ, reste à savoir si toutes ces informations sont fiables. Contrairement aux journalistes, qui vérifient systématiquement leurs sources, ChatGPT présente les données assemblées comme objectives, sans le moindre esprit critique. Et ce, alors que les textes combinent souvent faits et opinions, ou ne sont valables que dans un contexte particulier. Il suffit d’expérimenter l’outil pendant un certain temps pour se rendre compte que ce chatbot porté aux nues se trompe plus souvent qu’on ne le penserait de prime abord.
Une autre compétence cruciale qui fait défaut au logiciel est l’évaluation éthique des sources et des informations. Enfin, une question juridique se pose également : qu’en est-il du plagiat ? Les droits d’auteur appartiennent-ils au média qui utilise l’outil, au développeur OpenAI, ou tout simplement aux nombreuses sources (inconnues) à partir desquelles les textes sont produits ? La mise en place d’un cadre juridique s’impose donc d’urgence.
Bien que ChatGPT ait été entraîné à l’aide d’une multitude de contenus et puisse ainsi exploiter certaines astuces rédactionnelles, l’originalité des textes générés est le plus souvent limitée. C’est là sans aucun doute une lacune importante, car une touche de créativité peut considérablement améliorer l’expérience de lecture et fait souvent la différence entre un texte passable et un autre excellent.
Par ailleurs, la créativité peut connaître de multiples expressions. Les journalistes réfléchissent longuement à l’approche à adopter pour rédiger un article, élaborent avec soin la structure du texte et s’emploient à sélectionner les bons éléments de base pour informer le lecteur de manière appropriée. Or, ce processus de réflexion est totalement absent dans ChatGPT.
Lorsqu’on rédige un texte, il est crucial de tenir compte des émotions du public auquel il est destiné. Le thème traité porte-t-il à l’optimisme ou suscite-t-il au contraire des craintes et des doutes, qui rendent nécessaire d’apporter des réponses claires ? Mais surtout, les journalistes sont en mesure d’imprimer un sentiment particulier à un article, ce qui n’est pas du tout le cas de ChatGPT.
Or, cet ajout s’avère indispensable. La fonction sociale exercée par le journalisme en tant que canal d’information exige que l’on touche les bonnes cordes sensibles. On y parvient parfois en rédigeant un texte purement objectif, mais il est souvent nécessaire d’émouvoir le lecteur, de le rassurer ou de le faire rire. Les humains sont des êtres sensibles, mais ChatGPT n’est pas doté du facteur émotionnel qui permet de répondre à leurs attentes.
Les points précédents ont déjà démontré que ChatGPT ne répondait pas suffisamment aux besoins et attentes des lecteurs. Ajoutons que le public est diversifié et se compose de cibles très variées. À partir de requêtes formulées avec précision – une condition essentielle pour obtenir de bons résultats avec ChatGPT – le logiciel peut effectuer des ajustements subtils pour mieux atteindre un public cible particulier, mais jamais aussi efficacement qu’un journaliste expérimenté.
Les journalistes connaissent les lecteurs comme leur poche. Ils savent exactement quel sujet nécessite une formulation plus complexe et quand il est préférable de simplifier autant que possible. Ils sont capables d’adopter le bon style et le ton de voix approprié. De nos jours, l’intelligence artificielle livre déjà de bons résultats, mais elle aura encore besoin de nombreuses sessions d’apprentissage pour atteindre la qualité d’un vrai travail journalistique. Si elle y parvient un jour…
En 2016, AlphaGo a mis sens dessus-dessous l’univers du Go, le jeu de plateau le plus ancien et sans doute aussi le plus complexe au monde. Bien que ce jeu s’appuie en grande partie sur l’intuition, le programme informatique l’a emporté sur le champion du monde Lee Sedol en le prenant de court par un 37e coup qu’aucun être humain n’aurait hasardé. Son développeur DeepMind a réussi à porter l’intelligence artificielle à un niveau dépassant de loin les capacité humaines grâce à une technique d’apprentissage par renforcement profond.
Il y a peu de chances que ChatGPT finisse par surclasser aussi radicalement les journalistes. Le robot conversationnel présente de sérieuses lacunes dans différentes compétences indispensables et n’est pas capable de générer de nouvelles informations ou des idées surhumaines. Pendant cette rencontre historique, le 37e coup a conduit plus tard Sedol à riposter avec un 78e coup presque tout aussi génial, ce qui donne matière à réflexion et montre que les journalistes ne doivent en aucun cas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Notre dialogue avec ChatGPT révèle d’emblée le grand potentiel de l’outil pour les journalistes. Le logiciel et son puissant algorithme peuvent parfaitement jouer le rôle d’assistant qui fournit des informations utiles et fait gagner en efficacité. ChatGPT peut dénicher des sujets intéressants, créer une liste de mots-clés pour un article de référencement, aider à la recherche documentaire et éventuellement à la rédaction d’un article. Mais il ne pourra jamais remplacer la sagacité des journalistes.
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